En pleine crise financière puis économique aujourd’hui, les états n’ont cessé de prendre des mesures coercitives afin de remettre sur pied le système capitaliste qui a fait preuve d’une fébrilité sans commune mesure. Cette crise, qui a été certes non prévisible dans son avènement, était inéluctable dans sa réalisation temporelle. Devant la puissance du système économique dominant, une critique simpliste du capitalisme qui s’attacherait uniquement à ridiculiser ses conséquences tragiques et fatales, sans remettre en cause et récuser sa logique propre - la réification - ne pourra ébranler au cœur du monde contemporain les contradictions qui les animent. C’est l’être du capitalisme qu’il faut critiquer et non son paraître. L’homogénéisation de l’ensemble des sociétés en proies au capitalisme ou en devenir n’a aujourd’hui d’autre modèle économique viable pour prétendre à une alternative tangible. Le capitalisme tel que nous le connaissons est un opium déguisé en apparat de musc. Réifier l’ensemble des sociétés est la finalité suprême du capitalisme avec bien sûr au passage les inégalités sociales, la misère, l’exploitation ou les guerres impérialistes. L’aveuglement est tel que les esprits critiques de tous bord ont du mal à convaincre ou à concevoir autre chose que le capitalisme.
Le modèle Islamique est-il une alternative au modèle capitaliste ou n’est-elle qu’une composante de son paraître grâce à un mécanisme revu et corrigé d’un marketing occidental islamisé pour l’occasion ? On est en train de nous faire passer la pilule en jouant sur un vocabulaire propre à l’Islam pour nous vendre ce que notre cœur et notre raison ont refusé au nom d’une éthique musulmane qui prône le bien être collectif avant le bien être individualiste et égoïste. Les pays musulmans les plus élaborés ressemblent de près aux pays occidentaux si ce n’est que dans la forme que l’on constate des marqueurs identitaires. Des questions de fond restent sans réponse, les musulmans d’aujourd’hui se doivent de proposer un modèle de société unique qui doit prendre en compte l’esprit de la Charia qui n’est rien d’autre que la traduction du dessein d’Allah pour l’humanité afin que la justice, l’égalité et le partage soit la trame de fond.
Le modèle islamique à pour devoir de s’ériger contre le capitalisme qui ne fait que soumettre les hommes à l’argent et au profit qui est sa finalité propre. Le but de l’islam et de son modèle est la soumission réfléchie par amour à Allah sans contrainte. Le but de l’Islam est de mettre la science et le progrès au service de l’Homme qui lui-même est au service d’Allah, et non pas l’inverse. La résistance Islamique ne peut s’organiser que dans la promotion de la diversité des peuples, des cultures, des spiritualités et des civilisations face à la globalisation du capitalisme et à son caractère uniformisant et surtout déshumanisant.
Les particularités culturelles, les spécificités spirituelles, individuelles et naturelles sont aussi des armes de résistance face au capitalisme uniformisateur. Face à cette uniformisation, ceux qui s’opposent au capitalisme doivent prendre conscience que chaque peuple, chaque langue, chaque ethnie, chaque individu, chaque spiritualité, chaque particularité est un reflet de la diversité du monde non-marchand. L’anti-capitalisme en soit ne peut vaincre sans une spiritualité dynamique ayant pour source le Coran et la Sunna du Prophète (SAV). Les musulmans doivent tendre à défendre, tous les particularismes car elles sont susceptibles de former un substratum pour une libération sociale et culturelle. Il y a plusieurs niveaux de résistance à mettre en place ; spirituelle et culturelle. La critique en soi ne suffit pas, il faut être en mesure de proposer des alternatives tangible et viable. Une résistance effective au capitalisme doit nécessairement inclure l’opposition à la diffusion de la culture du capitalisme et à l’occidentalisation du monde qu’elle engendre.
Un exemple frappant du détournement des valeurs islamiques et de sa spécificité dans ce monde capitaliste qui n’a de foi que dans l’argent se vérifie dans les grandes surfaces. Ces temples dédiés à la consommation que sont les grandes surfaces possèdent aujourd’hui un rayon « halal » pour attirer le consommateur musulman. Le mois de ramadan, est l’occasion pour ces sanctuaires du marché d’organiser des semaines « spéciales », alliant un folklore orientaliste à une « islamité » consumériste et superficielle, permettant de dégager des profits subsidiaires. Tout devient prétexte à un démarchage « islamique ». Le plus grave dans tout çà c’est l’absence totale du message spirituel qui doit accompagner l’action dans sa finalité chez le musulman.
La commercialisation des croyances et des religions ne sont pas épargnées dans les tourments du capitalisme. L’Islam est intégré par la civilisation capitaliste dans sa logique marchande, l’Islam est utilisé pour créer de nouveaux marchés et attirer une nouvelle clientèle puisqu’il est dans la logique du capital de générer sans cesse de nouveaux « besoins ». Cette utilisation de l’Islam comme un « argument publicitaire » permettant de promouvoir un produit et de lui donner une plus value, pose le problème de la réification, telle que le philosophe hongrois Georg Lukacs l’a expliqué dans Histoire et conscience de classe, c’est-à-dire la transformation, par le capitalisme, de tous les rapports sociaux et de toutes les formes culturelles en choses et en rapports « chosifiés » ce que Karl Marx appelait le « fétichisme inhérent au monde marchand ».
Il faut attirer l’attention sur les enjeux réels et les dangers du capitalisme qui transforme la nature des choses en marchandise consommable à outrance tel que : les Hommes, et les rapports entre les Hommes, les cultures, les spiritualités. Pour Georg Lukacs, toutes les relations et toutes les pensées dans la civilisation capitaliste deviennent inéluctablement des rapports marchands. Par ces rapports marchands, les Hommes, les cultures et les spiritualités, dans notre cas l’Islam, sont intégrés à la dynamique du capitalisme. Les Hommes, les cultures et les spiritualités sont asservies à l’idéologie de la marchandise et c’est pourquoi il devient facile de convaincre les individus de consommer.
Une révolution est d'abord, pour une société, ce qu'est une conversion pour l'individu : changer le but et le sens de la vie (R.Garaudy). Cette épreuve de force se traduira tôt ou tard par l’émergence d’un modèle économique qui sera le juste milieu que prône l’Islam. On pourrait traduire cela comme une synthèse entre le capitalisme sans excès et le communisme sans la rigueur économique et le dirigisme politique empreint d’immobilisme et d’impuissance. Comme le dit si bien Allah dans le Coran "Allah ne change l'état d'un peuple que s'ils changent ce qu'il y a en eux-mêmes." (Verset 13 :11).
Les musulmans ne doivent surtout pas chercher à Islamisé le modèle capitaliste ou le modèle communiste mais travailler pour mettre en exergue le model islamique qui propose une véritable éthique basé sur la conscience de l’homme devant sa responsabilité en qualité de gérant comptable devant Allah.
R.A