Ô mes mots de délice, de liesse , de jeunesse,
Vous êtes là ! tel un échanson prompte à l'ivresse ;
J'admire à la chandelle, dans ma solitude à genoux.
Pâmé je le suis, malgré mon esprit ne jurant que par votre âge !
Permettez-moi de me fondre, moi, l'inconciliable devenu si sage,
Pour verser mes dernières perles de valeur avec vous !
Du haut de ma jeunesse ! j'étais avide sans retenue de songes !
Le rythme des chants de l'espoir m’enivrait de mensonges.
Les yeux au ciel, je ne savais lire, l'astre qui lui !
Plein d'assurance, mon orgueil de toi, en mon cœur seul, je nomme !
J'étais à la fleur de l'age l'innocent, fugace ! de lui, moi l'homme
De confusion, piquer d'un fard, je le suis aujourd'hui !
Ô insouciance, instant fait de chimère, d'inconscience, que de grâce !
À patienter, à épier la nuit tombée, les toges de ces princesses furtives !
Imaginer l'impossible rencontre, ce regard jeté !
Désirer une existence entière d'amour, de notoriété et de gloire !
Habillé de blanc, fier, prisant le précieux, le sublime, et croire
À la pureté embrassant l'éternité !
Oui, l'expérience est passée chez moi. Qu'importe
Si j'ai retrouvé la vue, de là où je suis, à ma porte
Qui par delà ses forces frémit en tournant !
Ô souvenir ardent ! d'un temps révolu, à la lumière si sombre,
Qui près de cette béatitude me recouvre de son ombre,
Rayonne comme jamais maintenant !
Que suis je devenue ? loin de vous, ô mes belles années,
Pour m'avoir livré, sans que je ne puisse retenir ces envolées,
Pensez vous que je suis comblé ?
Non, comment l'être ! quand je vous relis sur ces lignes si belles,
Quand le passé m’écrase au point de ne pouvoir prendre vos ailes,
Que suis je devenue ?
Ô doux miroir ! à l'immaculé jeunesse sans tache,
Habillé de sa toge de neige où notre amour s'attache,
Réapparait à la croisée des destins en chemins,
On s'y accroche, pour y verser tant de larmes amères
Sur les lambeaux flétris du temps passant riche de chimères
Où vide et tendu restent vos mains !
Passons ! Passons ! à travers le cimetière de la jeunesse qui est morte,
Sentons l'alizé nous transporter à l'horizon qui emporte
Vers ces rives à l'éclat si obscur.
Que reste-il de nous ; nos œuvres à la nuance de blême.
L'âme, éperdue, sillonnant les impasses dans un désert balayé par le vent même
Qui ne laisse ni trace, ni mémoire, sur ces dunes érigées en mur !
Ô Allah, guide moi à travers ces impasses qui me privent de ton amour !
R.A