Ô mon rossignol enchanté,
Va retrouver les anges de Samarkand,
Dis leur que je patiente tel un amant
Priant de jour la nuit du destin,
Et murmure à ma promise
Que le ciel de la nuit se plaint
De mes perles que je ne sais contenir,
Inondant mes missives, sans réponse !
Qu’ici le champ de l’espoir se fait désert,
Quand le vent de l’amour éperdu ignore,
Je me noie des maux de l’indifférence,
Où le marbre épouse le sanglot du silence.
Ô mon rossignol plein de dignité,
Va retrouver les mendiants de Samarkand,
Dis leur qu’ils n’ont rien à m’envier
L’amour à fait de moi un va-nu-pieds errant.
D’elle je suis affamé tel un prisonnier,
Tel un esclave martyrisé et enchaîné,
Seul l’ivresse de mes vers me libère,
Jusqu’à embrasser la folie éveillée,
Au point que je les jalouse de fouler
La terre honorée du talon de ma dulcinée,
Cette contrée exhale l’essence de l’aimée.
Dis à mes frères de la misère de prier
Perdu je le suis sans le parfum de son voile,
Égaré je le suis sans ses mots sous la toile.
Ô mon rossignol initié ,
Va retrouver les soufis de Samarkand,
Dis leur de me révéler leur secret
Mon âme, en vain virevolte loin de l’amour,
Conte leur la détresse qui est la mienne,
Depuis que sa grâce m’a touché,
Mon âme d’impatience est essoufflée
À égrener les saisons de mon chapelet.
Rappelle leur ma souffrance de l’aimer,
D’une foi digne d’un awliya dévoué,
Espérant du celeste que l’intime soit exaucé,
En échange d’un paradis éternel inspiré.
Ô mon rossignol ailé,
Va retrouver les déchus de Samarkand,
Dis-leur que le printemps se meurt l’été
Comme je meurs ici à la taverne des émus,
Je sens le bishaq des assassins d’Alamut
Près de mon coeur saignant mais convoité...
Ni Hassan Sabbah, ni Nizam al-Mulk
N’ont su dompter en moi l’esprit rebel
Depuis les rubbayaits d’Omar Khayyam.
Ivre d’elle je le suis à la belle étoile,
Jusqu’à l’overdose libérant ma prose,
Pour une liqueur d’opium au pouvoir sibylle,
Incisant jusqu’à la sève le coeur de ma rose.
Ô mon rossignol désiré,
Va retrouver les muezzins de Samarkand,
Dis leur qu’Allah seul guide les effrontés,
Qu’entre deux appels lancés, les amants
Susurrent dans les alcôves la prière de l’esseulé :
Ô Allah devance mon destin à sa porte,
Que je puisse lui offrir l’anneau sacré,
Ô Allah précipite la mesure du clepsydre,
Que nous puissions chanter tes louanges à deux.
R.A