Les synapses temporelles et circonstancielles entre le monde de l’art au sens pur et la liberté d’expression au sens pratique génèrent des frictions qui implosent les passions partisanes et communautaires dans un déchainement où l’émotion a tué la raison acculée. Chacun à tour de rôle se pose en victime, défendre leur droit d’exister quelque soit le prix de cette notoriété éphémère. La monnaie d’échange de la liberté est souvent le prix du sang versé pour sacraliser un acquis certes précieux mais jamais éternel. Si il devait y avoir un bien commun et partageable entre les peuples et les civilisations, ce serait bien l’entendement de la notion même de liberté. Elle est une aspiration commune aux hommes dans une transcription relative dans la vie selon l’environnement et l’époque donnée. Prétendre que nous avons la liberté d’expression au sens large du terme c’est une illusion collective qui rassure les consciences contigües des donneurs de leçons en matière des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Jusqu’où l’homme est il prêt à aller pour une conception de la liberté toute relative et égocentrique. L’artiste qui produit de « l’art » pour mettre en exergue la bassesse de l’Homme n’a d’autre but que de satisfaire son appétence. La liberté des uns engendre l’oppression et la dictature des autres. Dans tous les systèmes politiques ou sociétaux, la liberté n’existe que par son antonyme, peu importe le modèle de gouvernance. De ce fait, la liberté d’expression au sens large n’est qu’une distorsion de la réalité qui se régit par des lois coercitives à géométrie variable selon des critères ethniques, raciaux, nationaux ou religieux voir philosophiques. Finalement la liberté des libertés n’a pour véritable espace d’expression que notre conscience qui se nourrit de la puissance régénératrice de l’imagination que nous développons au fil de notre existence et de nos expériences.
L’artiste à travers son art, si il en est un, car si tout le monde est par essence l’artiste de quelque chose, la réciproque est loin de faire l’unanimité. Si l’art est une forme d’expression primaire universelle dont nul n’a le droit de s’approprier sa porté symbolique ou philosophique une fois « créée », il n’en reste pas moins qu’elle est au même titre que d’autres formes d’expression telles que la spiritualité, la religion... un moyen de manipulation et d’affirmation élitiste que les hommes mettent en avant pour déployer leur puissance et assouvir leurs ambitions egocentriques et iniques. Sous un angle différent mais similaire, le sport permet de concourir dans une démarche proche de l’utilisation et de la finalité de l’art comme un moyen de domination d’une nation ou d’un peuple lors des grandes messes collectives organisées dans les temples du culte de la performance, du geste et du corps.
Les soi-disant artistes, à l'instar des kamikazes veulent par désespoir, marquer le coup avec un maximum de dégâts, utilisent l’art à des fins d’existence médiatique pour créer du buzz et scinder une société en deux afin de compter leurs partisans. Comment se positionner pour accepter l’inacceptable dont le cœur haï mais que la raison tente de trouver mille excuses et circonstances atténuantes. Ceux qui sont en mal d’existence virtuelle ou numérique, dans le contexte de notre époque se lancent des défis à celui qui va le plus choquer ou le plus révulser les âmes sensibles. Ceci reste vrai dans le monde de l’art mais également dans la littérature, la politique, la philosophie… tous ces éléments indispensables au vivre ensemble, au lieu d’être employés à bon escient, sont utilisés pour déstabiliser les masses avec des moyens et des procédés affligeants et ignominieux pour extirper du fond des êtres sensibles les réflexes simplistes que sont la haine et la violence. Et qu'on ne vienne pas parler de liberté d'expression. La liberté d'expression c'est d'avoir le droit de dire ce que l'on pense, et non pas de rechercher la polémique et la provocation pour ensuite jouer les outrés et les martyres bâillonnés par le carcan de la bien pensance.
Nelson Mandela nous donne une belle conception de la liberté il nous dit « Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité ». Ceux qui parlent le mieux de la liberté sont ceux qui ont subi la plus violente oppression et privation de la part de ses semblables. Il faut apprendre à vivre la liberté comme une contrainte qui nous oblige à prendre en compte dans chacun de nos actes la dignité et le respect de nos semblables qui ont des approches et des conceptions différentes de la notre. Le sens de la responsabilité individuelle et collective doit nous contraindre, même si cela est en contradiction avec notre définition de la liberté, à un mieux vivre ensemble.
L’art qui trouve sa quintessence dans la création première est malheureusement dénaturé de sa fonction initiale. Il est censé donner des outils et un langage propre aux hommes pour permettre une élévation spirituelle. Elever la condition de l’homme grâce à l’art est le privilège de tout humain en quête de vérité existentielle. La pratique de l’art par l’artiste doit permettre aux hommes une prise de conscience de son destin dans la finalité de son existence qui s’inscrit dans l’Art du Créateur.
La vraie liberté en islam est d’être rebelle et combattre toute forme de soumission autre que celle à Allah. La liberté est par essence avant tout un combat entre ceux qui cherchent la vérité et ceux qui veulent cacher la vérité. Sa quintessence première réside dans sa nature propre qui est le souffle de la vie dont le Créateur nous a fait grâce et miséricorde pour un laps de temps. La liberté pour le musulman c’est l’art d’infléchir toute aspiration de l’âme et du corps pour obtenir la grâce et la miséricorde d’Allah.
R.A