Ô ma sultane, toi qui as redonné souffle à mon Diwan, t’abreuvant à mes lèvres,
J’ai effeuillé ton désir, j’ai arrosé tes soupirs, j’ai embrassé ta fièvre,
Jusqu’à t’offrir le fruit mûr de ma passion, de mes fantasmes, de ma folie,
Celui de t’aimer, celui de défier la bien-pensance, malgré la sentence du Qadi,
Derrière les moucharabiehs de ta demeure, l’opale de tes yeux,
Lieu de mystère, de plaisir se trouve le firmament de mon âme étoilée,
À la fleur solitaire, de larmes dans le désert, de toi je fus abreuvé,
Me voilà à la vie sur tes lèvres, suaves pétales de rose, grâce des cieux.
Je t’ai admirée ô muse !
Fruit de mes vers, perle incarnée et sublimée de ma prose,
Je t’ai caressé ô rossignol !
Bulbul de mon jardin secret sur les hauteurs de ma citadelle,
Je t’ai embrassée ô gazelle !
Loin des chaînes, des tabous malvenus de la tradition,
Te voilà ô douce colombe !
Libérée tel un chant du muezzin lancé vers un rappel de l’horizon,
Avec toi, du haut des minarets, je vogue sur l’océan de mes rêves,
Loin de toi, loin de ton parfum, dans ces instants d'ennui profond,
Où le désespoir d’un sablier se faisant aussi tranchant qu’un glaive,
C’est mon être suspendu qui ne peut relever, sans la foi, le front.
Le désert de mon coeur est vaste, sa quiétude, loin de toi, m'appelle,
Que faire de la vie, sans toi, et de ces chaînes à mes pas ?
Ô caravane de l’amour éternel, ô oiseaux migrateurs, sur vos ailes
N’y-a-t-il pas une place dans votre destinée pour un poète errant las ?
Ici mon esprit flétri se meurt du quotidien engourdi.
Ici mon phonème désire un élan, un souffle à conquérir,
Ici l’étroitesse de ma fenêtre a besoin d’un monde à l’âme agrandie,
Ici les jarres de vin vides, les étoiles éteintes, de soif le poète errant dans l’indifférence va mourir,
L’encre épuisée,
La plume usée,
Voici le dernier vers
À la rose effleurée.
R.A